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Le pouvoir de l’exploration

Le pouvoir de l’exploration

Amélioration de l’exploration et des expériences de marché face aux défis posés par les dépenses publiques post-COVID

écrit par Frédéric Baervoets,
Challenger et Manager du laboratoire d’innovation Nido

Alors que nous nous préparons à un nouveau choc de la pandémie de Covid-19, nos gouvernements réfléchissent comment combler le vide que cette crise massive a créé dans les finances publiques. Nous nous trouvons à un carrefour, confrontés à des questions difficiles : les coupes budgétaires dures sont-elles inévitables ou est-il temps de promouvoir une autre façon de faire les choses au sein du gouvernement ? Comment pouvons-nous augmenter la valeur de l’argent de nos impôts et, en même temps, faire face aux défis des dépenses publiques ? Comment pouvons-nous fournir de meilleurs services et une meilleure utilisation de l’argent (du contribuable) pour le bien de nos citoyens et de nos organisations ?

Mon idée initiale était de suggérer de mettre un terme à tous les projets en cours, de sortir les fonctionnaires de leurs méthodes de travail habituelles et de remettre l’ouvrage sur le métier : recommencer la phase d’exploration depuis le début. Bien que tentante, cette idée nécessiterait clairement une approche plutôt radicale pour être mise en pratique. Avec plus de 20 ans d’expérience dans le secteur public, dont cinq ans dans le domaine de l’innovation, je suis persuadé que l’innovation est trop souvent négligée et que nous cédons aux manières routinières de gérer les projets. Dans cet article, je soutiendrai que, à une époque où les dépenses publiques sont limitées, une plus grande et meilleure exploration du marché, y compris par le biais d’expériences, est une condition préalable essentielle à toute stratégie gouvernementale réussie.

Le statu quo

Les fonctionnaires travaillent souvent dans de nombreux secteurs différents, avec un large éventail de compétences. Néanmoins, il est impossible d’être un expert de toutes les solutions et technologies possibles, aujourd’hui plus que jamais. En conséquence, les fonctionnaires plongent souvent dans la phase de mise en œuvre du projet sans avoir exploré toutes les solutions possibles. De plus, les contrats typiquement trop prudents et bureaucratiques privilégiés dans le secteur public démontrent que nous ne faisons pas vraiment confiance à l’expertise des entreprises privées et que nous ne la comprenons pas pleinement. Cette combinaison explosive conduit à une situation contradictoire : les services publics ne font pas confiance aux entreprises privées, et pourtant nous achetons chez elles, et ce, sans tester les solutions qu’elles proposent !

Un changement nécessaire

Avec sa fameuse vidéo « The Baggage Claim Story », Stephen Shapiro, conférencier sur l’innovation, cristallise cette contradiction et souligne la nécessité d’une innovation efficace. Grâce à son exemple, nous comprenons la nécessité d’obtenir d’abord une compréhension approfondie d’un problème sous-jacent avant de tenter de le résoudre. Pour moi, et pour toute l’équipe du labo d’innovation Nido, sa vidéo reste emblématique pour comprendre que l’innovation commence par la formulation correcte du problème en amont. Cependant, en raison de notre environnement de travail et de notre culture, on nous apprend dès le plus jeune âge qu’une résolution efficace des problèmes passe par des solutions rapides. Ce comportement est exacerbé dans le secteur public par les procédures bureaucratiques internes qui ralentissent le renouvellement des entreprises.

Innovation commence par la formulation correcte du problème en amont.

Nous avons l’habitude de commencer les projets par des recherches sur les solutions possibles, comme les critères de référence (inter)nationaux, et de jeter un œil curieux à ce que font nos pairs nationaux et internationaux. Après avoir trouvé l’inspiration, nous rédigeons un appel d’offres dans lequel nous essayons d’appréhender la technologie et les exigences nécessaires à une mise en œuvre réussie. En outre, une équipe chargée des achats contribue généralement à exclure tous les risques possibles grâce à des procédures élaborées et à des conseils stricts. Seules les grandes entreprises (qui ont la capacité de comprendre les réglementations relatives à la remise en temps voulu d’une offre correcte, y compris tous les documents) seront en mesure de participer régulièrement à ces appels d’offres. Ces « habitués » nous déçoivent toutefois la plupart du temps. De facto, le processus d’appel d’offres public s’est transformé en quelque chose de purement légal. Les fonctionnaires sont-ils réellement persuadés que tout écrire dans l’appel d’offres est le seul moyen de réussir ? Nous évitons de dialoguer avec les entreprises par peur de passer pour des partisans. Pourtant, en nous persuadant que nous sommes liés par la procédure et que nous devons faire « ce qui est juste », nous tuons l’innovation.

Les fonctionnaires sont-ils réellement persuadés que tout écrire dans l’appel d’offres est le seul moyen de réussir ?

Un autre grand défi pour les services publics est la gestion financière et budgétaire. Nous dépensons régulièrement d’importantes sommes d’argent pour des projets qui, souvent, ne rencontrent pas le succès escompté. Nous avons également tendance à dépenser des sommes excessives pour des produits ou des services qui peuvent, en fait, être achetés pour moins cher. Nous ouvrir à des collaborations avec des entreprises plus récentes, plus jeunes et plus modernes pourrait nous aider à mettre fin à ce cercle vicieux. Ces entreprises tendent à être plus enthousiastes et désireuses de proposer des solutions meilleures et moins coûteuses. Si les fonctionnaires sont généralement bien placés pour savoir ce qui est nécessaire à leur travail, un expert peut apporter une valeur ajoutée. La personne chargée de chercher des solutions est souvent incapable de voir le vrai problème ou n’ose pas le pointer du doigt. Normalement, un problème ne persiste pas en raison d’un manque de solutions, mais de l’incapacité de relier l’expérience négative d’un utilisateur final à sa cause. Les tierces parties externes peuvent aider à découvrir les liens manquants pour un progrès efficace.

À la lumière de toutes ces questions, je me risque à ce qui suit :

  1. Ne commencez pas par des plans et des projets précis, mais par une étude du marché et des expériences.
  2. Inspirez-vous de tout l’éventail de solutions possibles à votre problème. Ce processus vous aidera à détecter le ou les problèmes réels que vous voulez résoudre.
  3. Montez votre dossier avec un budget limité ; ne demandez à la direction une augmentation de budget qu’après avoir démontré que la solution fonctionnera.

Les étapes pour y parvenir

Permettez-moi de vous donner quelques conseils, étape par étape, sur la manière de lancer un nouveau projet :

Étape 1 : Rédigez un énoncé du problème, faites une analyse des parties prenantes et demandez l’avis de votre public/clients/utilisateurs.

Étape 2 : Laissez les entreprises innovantes, petites et grandes, examiner l’énoncé de votre problème et intégrez leurs commentaires et leurs contributions. Indiquez clairement que vous voulez savoir comment ils résoudraient votre problème. Permettez à tous de participer et facilitez les choses par un bref appel téléphonique, un courriel informel, etc.

Étape 3 : Demandez aux entreprises ayant une approche intéressante de vous proposer brièvement une première solution.

S’il est probable que vous ayez une bonne solution en tête, vous n’avez certainement pas encore envisagé toutes les possibilités. Je vous conseille de mettre vos idées en attente et de garder l’esprit ouvert. Filtrez les solutions découvertes à l’aide des critères suivants :

  • Cette solution résoudra-t-elle mon problème ?
  • Quel est le degré d’efficacité de cette solution ?
  • Est-ce novateur ou est-ce du réchauffé ?

Étape 4 : N’invitez que les entreprises présentant les solutions les plus intéressantes à venir vous faire une présentation ou à dialoguer avec vous. Posez des questions et donnez-leur la possibilité de poser des questions en retour. N’oubliez pas de donner un avis honnête aux entreprises dont les solutions vous intéressent moins et remerciez-les de leur participation.

Filtrez ensuite les solutions en fonction de ces critères :

  • Quel est le coût approximatif estimé pour une mise en œuvre complète ?
  • Que peut-on tester au cours d’une expérience ?
  • Quel est le prix de l’expérience, même si elle est limitée à un budget restreint, par exemple 30 000 euros (ils pourraient la réaliser pour moins) ?
  • L’équipe est-elle compétente et motivée ?

Arrêtez-vous à l’étape 4 si vous souhaitez uniquement une consultation stricte du marché. Rédigez votre recommandation pour le management.

Étape 5 : Soumettez une offre de participation à l’appel d’offres aux entreprises qui proposent les meilleures solutions et donnez-leur un feed-back approfondi sur leur présentation. Vous êtes ainsi assuré de ne recevoir que des offres intéressantes.

Étape 6 : Accordez l’appel d’offres à la ou aux expériences les plus innovantes et les plus intéressantes. Ne vous laissez pas convaincre d’accepter l’offre qui a le plus de chances de réussir ou qui est la moins chère ; rappelez-vous que vous voulez découvrir de nouvelles possibilités et pas simplement tester à nouveau un produit déjà connu. N’oubliez pas de donner un avis honnête aux entreprises qui ont présenté une solution qui vous intéresse moins. Remerciez-les d’avoir pris le temps de participer.

Étape 7 : Réalisez l’expérience. N’oubliez pas que vous travaillez avec un budget limité. Par conséquent, ne testez que ce qui est vraiment important et évitez de perdre du temps et de l’argent sur des gadgets. Testez la solution sur les utilisateurs finaux ; c’est leur avis qui compte en définitive. Concentrez-vous sur le produit minimum viable et sur les enseignements tirés.

Étape 8 :

  • En cas de succès : rédigez une recommandation pour le management. Si vous avez une bonne solution fonctionnelle comme MVP, demandez le budget nécessaire. Si votre expérience est concluante, tentez l’étape suivante : réalisez une analyse de rentabilité pour persuader votre direction grâce aux connaissances que vous avez acquises tout au long de ce processus.
  • En cas d’échec : relancez le processus. Vous aurez tiré des enseignements de la procédure de sélection et de l’expérience menée, et pourrez désormais prendre des décisions plus sages et plus avisées. La première tentative n’est pas un échec, mais vous rapproche de la solution la plus adaptée. N’oubliez pas que vous avez réussi à éviter l’échec d’un projet. Essayez toujours de comprendre les raisons d’un échec : l’équipe n’a-t-elle pas tenu ses promesses ? La solution ne convient-elle pas ? Ou bien n’avez-vous pas saisi toutes les données du problème ?
Les étapes
Les étapes

Au final, c’est en goûtant que l’on sait si c’est bon. Vous et l’entreprise choisie allez tester les hypothèses les plus importantes avec un budget limité.

Nous vous souhaitons beaucoup de succès ! Faites-nous savoir si nos conseils vous ont aidé ou incité à changer.

À propos de Nido

Nido, le labo d’innovation du SPF BOSA, favorise l’innovation dans le secteur public belge en soutenant les fonctionnaires dans leur quête de changement. Notre initiative « Government Buys Innovation » vise à créer une place de marché interactive, centrée sur la recherche active de solutions innovantes déjà disponibles sur le marché. En reconsidérant la manière dont les secteurs public et privé interagissent, Nido aspire à transformer les entités publiques en pionniers de nouvelles idées créatives, en les modernisant en Belgique et au-delà, au profit des entreprises et des citoyens.

Nido facilite des recherches et des expérimentations à petit budget et sur le marché libre avant de lancer des projets, afin de respecter les limites de dépenses gouvernementales. L’expérimentation est promue comme la première étape de l’exploration des solutions innovantes possibles afin d’éviter l’échec des grands projets et le gaspillage de l’argent des contribuables.

Il est impossible pour le secteur public de disposer d’une expertise suffisante sur l’ensemble des solutions et des technologies qu’il pourrait utiliser. Par conséquent, il est souvent impossible de savoir à l’avance si une solution fonctionnera et sera adaptée à son objectif avant de l’acheter. L’expérimentation est donc essentielle pour garantir qu’une solution sera fructueuse et qu’elle vaudra l’investissement.

L’initiative GBI est un outil d’innovation, qui fait évoluer le rôle des fonctionnaires de la résolution des problèmes aux experts en la matière, et leur apprend à aborder de nouvelles solutions avec un esprit ouvert.

Frédéric Baervoets
Frédéric Baervoets

est le directeur du labo d’innovation belge Nido, qui fait partie du service public fédéral Stratégie et Appui. Cet article reflète les opinions personnelles de l’auteur.

Cet article a également été publié sur :

Le blog du OPSI/OECD

The Power of Exploration: Improved Market Exploration and Experiments in the Face of Post-COVID Government Spending Challenges

Apoltical

Why governments need to rethink spending post-Covid-19